
La faillite d’une entreprise peut être une situation stressante pour les consommateurs qui ont des commandes en cours ou des produits défectueux. Quels sont vos recours ? Comment protéger vos intérêts ? Cet article détaille vos droits et les démarches à entreprendre pour faire valoir vos créances en cas de défaillance d’un commerçant.
Les différentes procédures collectives
Avant d’aborder vos droits spécifiques, il convient de comprendre les différentes procédures collectives qui peuvent concerner une entreprise en difficulté :
– La sauvegarde : L’entreprise connaît des difficultés mais n’est pas encore en cessation de paiements. Cette procédure vise à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.
– Le redressement judiciaire : L’entreprise est en cessation de paiements mais sa situation n’est pas irrémédiablement compromise. L’objectif est de permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.
– La liquidation judiciaire : L’entreprise est en cessation de paiements et son redressement est manifestement impossible. Cette procédure vise à mettre fin à l’activité de l’entreprise et à vendre ses biens pour apurer ses dettes.
Selon une étude de l’INSEE, en 2020, 31 287 défaillances d’entreprises ont été enregistrées en France, soit une baisse de 38,1 % par rapport à 2019, due notamment aux mesures de soutien mises en place pendant la crise sanitaire.
Vos droits en tant que consommateur
En cas de faillite d’une entreprise, vos droits varient selon la procédure engagée et votre situation :
1. Commandes non livrées : Si vous avez passé une commande qui n’a pas été livrée avant l’ouverture de la procédure collective, vous devenez créancier de l’entreprise. Vous devez déclarer votre créance auprès du mandataire judiciaire dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC (Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales).
2. Produits défectueux : Si vous avez acheté un produit défectueux avant l’ouverture de la procédure, vous conservez vos droits à la garantie légale de conformité. Toutefois, l’exercice de ces droits peut être compliqué par la situation de l’entreprise.
3. Bons d’achat et avoirs : Les bons d’achat et avoirs émis avant l’ouverture de la procédure ne sont généralement plus utilisables. Vous devez les déclarer comme créances.
4. Contrats en cours : Les contrats en cours (abonnements, prestations de services…) peuvent être poursuivis ou résiliés par l’administrateur judiciaire. En cas de résiliation, vous pouvez déclarer une créance pour les sommes dues.
Maître Dupont, avocat spécialisé en droit de la consommation, précise : « Il est crucial pour les consommateurs de réagir rapidement dès l’annonce de la faillite d’une entreprise. La déclaration de créance est une étape fondamentale pour espérer un remboursement, même partiel. »
La procédure de déclaration de créance
La déclaration de créance est une étape cruciale pour faire valoir vos droits :
1. Délai : Vous disposez de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC pour déclarer votre créance.
2. Contenu : La déclaration doit indiquer le montant de la créance due au jour du jugement d’ouverture, avec le détail des sommes à échoir et la date de leurs échéances. Elle précise la nature du privilège ou de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie.
3. Forme : La déclaration peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. Elle doit être adressée au mandataire judiciaire désigné par le tribunal.
4. Pièces justificatives : Joignez à votre déclaration tous les documents justifiant de l’existence et du montant de votre créance (bon de commande, facture, contrat…).
Selon les statistiques du Ministère de la Justice, en 2019, le taux de recouvrement moyen des créances chirographaires (non privilégiées) dans les procédures de liquidation judiciaire était de seulement 5,3%.
Les recours spécifiques
Dans certains cas, vous pouvez bénéficier de recours spécifiques :
1. Garantie des dépôts : Si l’entreprise en faillite est un établissement bancaire, vos dépôts sont garantis par le Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution (FGDR) jusqu’à 100 000 € par déposant et par établissement.
2. Garantie voyage : En cas de faillite d’une agence de voyage, l’Association Professionnelle de Solidarité du Tourisme (APST) peut prendre en charge le remboursement des sommes versées ou la poursuite du voyage.
3. Garantie construction : Si une entreprise du bâtiment fait faillite en cours de chantier, l’assurance dommages-ouvrage peut prendre le relais pour achever les travaux.
Maître Martin, spécialiste du droit des entreprises en difficulté, souligne : « Ces garanties spécifiques offrent une protection supplémentaire aux consommateurs dans des secteurs particulièrement sensibles. Il est essentiel de vérifier leur existence avant de contracter. »
Conseils pratiques pour se protéger
Voici quelques conseils pour minimiser les risques en cas de faillite d’une entreprise :
1. Privilégiez les paiements par carte bancaire, qui offrent des possibilités de rétrofacturation en cas de non-livraison.
2. Évitez les paiements anticipés importants, surtout pour des biens ou services à livrer dans un délai éloigné.
3. Vérifiez la santé financière de l’entreprise avant de contracter, notamment pour des achats importants ou des contrats de longue durée.
4. Conservez soigneusement tous les justificatifs de vos transactions (bons de commande, factures, contrats…).
5. Restez vigilant aux signaux d’alerte : retards de livraison répétés, difficultés à joindre le service client, rumeurs dans la presse…
Une enquête de l’association de consommateurs UFC-Que Choisir révèle que 72% des consommateurs ignorent leurs droits en cas de faillite d’une entreprise. S’informer est donc primordial pour protéger ses intérêts.
L’importance de l’action collective
Face à la faillite d’une grande entreprise, l’action collective peut s’avérer efficace :
1. Les associations de consommateurs peuvent vous aider à faire valoir vos droits et vous représenter dans les procédures.
2. Les actions de groupe, introduites en France en 2014, permettent à des consommateurs victimes d’un même préjudice de se regrouper pour agir en justice.
3. Les comités de créanciers, mis en place dans certaines procédures collectives, peuvent défendre les intérêts des consommateurs.
Maître Dubois, avocate spécialisée en actions collectives, explique : « L’union fait la force. Face à une entreprise en faillite, les consommateurs ont tout intérêt à se regrouper pour peser dans les négociations et maximiser leurs chances de remboursement. »
La faillite d’une entreprise est toujours une situation délicate pour les consommateurs. Bien que vos droits soient protégés par la loi, leur mise en œuvre peut s’avérer complexe. Une réaction rapide, une bonne connaissance de vos droits et, si nécessaire, le recours à des professionnels du droit sont essentiels pour défendre au mieux vos intérêts. N’oubliez pas que la prévention reste la meilleure protection : soyez vigilant dans vos transactions et n’hésitez pas à vous renseigner sur la santé financière des entreprises avec lesquelles vous contractez.